L\'Afrique peut!

L\'Afrique peut!

« Qui a dit que l’Afrique n’a pas d’histoire ? »

 

« Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. » Nicolas Sarkozy, le 26 juillet à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Pour certains, le président Sarkozy est venu se moquer sur ce qu’on peut appeler la « tombe de Cheikh Anta Diop », ce savant Africain qui s’est battu toute la vie pour restituer à l’Afrique la place qu’elle mérite dans l’histoire loin des stéréotypes que la « bibliothèque coloniale » et une certaine littérature postcoloniale ont laissé croire.  Au rang de ces stéréotypes de la bibliothèque coloniale, il y’a ce tristement célèbre discours de Dakar dont la phrase citée plus haut suppose l’anhistoricité et l’immobilisme des Africains. Face à une telle méconnaissance des faits, certains Africains ont applaudi, d’autres ont félicité le président Sarkozy et d’autres encore ont daigné réagir de manière scientifique aux propos du président Sarkozy. Parmi ces réactions, il y’a l’ouvrage dirigé par Adama Ba Konaré qui s’adresse directement au président Sarkozy : petit précis de remise à niveau sur l’histoire Africaine à l’usage du président Sarkozy paru aux éditions la découverte en 2008 puis en édition de poche l’année suivante chez le même éditeur.  L’ouvrage s’adresse à Nicolas Sarkozy mais plus largement à tous ceux qui, comme lui, pensent que l’Afrique est anhistorique et immobile. J’ai lu cet ouvrage pour vous.

En quatre moments, le collège de chercheurs rassemblés autour de l’historienne malienne et ancienne première dame déconstruisent le discours de Dakar et construisent la réalité historique telle qu’elle est et non pas comme le veut l’opinion française obnubilée par les stéréotypes de la « bibliothèque coloniale ».

Première de couverture de l'ouvrage de Adama Ba Konaré. 

 

De la première partie intitulée « qui a dit que l’Afrique n’a pas d’histoire ? » à la dernière titrée « qui a parlé de Renaissance Africaine ? », les différents chercheurs dissèquent chaque fois un aspect particulier du discours de Dakar.

 

L’Afrique a une histoire qu’on peut périodiser depuis des millénaires avant Jésus Christ jusqu’à nos jours. L’histoire de l’Afrique ne débute pas avec l’arrivée occidentale comme le laissent croire Sarkozy et avant lui certains européens comme le Pr Newton en 1923 : «  l’Afrique n’avait pas d’histoire avant l’arrivée des Européens. »  Par ailleurs  l’Afrique n’est pas immobile et a connu pendant la période préhistorique puis précoloniale des expériences créatives que ce soit la néolithisation à travers la domestication du fer ou la réaction aux crises de subsistance qui se sont présentées à elle comme partout ailleurs. Du point de vue des valeurs aussi, l’Afrique a connu une modernité précoloniale à travers les valeurs partagées par les Africains à cette période. Notamment l’hospitalité, la justice, l’éducation, le respect de la dignité humaine qui sont des valeurs universelles. Aussi l’Afrique a connu des expériences de modernité tant sur les plans religieux avec l’Islam que des relations internationales avec l’ouverture sur le monde. L’Afrique a de ce fait une histoire.

 

Pour comprendre le discours de Dakar, il faut entrer en profondeur dans la vision française de l’Afrique.  Le discours de Dakar est « un discours d’un autre âge » car il s’inscrit dans une tradition occidentale qui tend à présenter l’autre, l’Africain comme le plus mauvais et qui a besoin de l’humanisme occidental pour devenir bon. Que ce soit la méconnaissance ou l’oubli, l’idée est de produire un peuple sans histoire qu’il faudrait historiciser. Ce qui s’inscrit dans le narcissisme Français qui a été produit par la construction monumentale de l’identité nationale. Mais Tayeb Chenntouf  va au-delà de ce constat et de cette étiologie  pour proposer que l’enseignement de l’histoire tant en France qu’en Afrique du nord  épouse une perspective mondiale afin que le passé en commun entre les deux territoires devienne un passé en partage.

 

Un constat s’impose aujourd’hui : l’Afrique a des difficultés, l’Afrique piétine. « Qui est donc responsable de ces « difficultés actuelles » de l’Afrique ? » Pour les auteurs, avant la colonisation, la société africaine connaissait un dynamisme, une modernité, une créativité et a  beaucoup apporté au  nouveau monde (agriculture, diversité culturelle) mais la colonisation à travers les ruptures sociales, démographiques, spatiales, politiques, économiques qu’elle a imposées, a occasionné un immobilisme et de profondes crises qui ont connu leur achoppement pendant la période post-coloniale. La colonisation est de ce fait responsable de  l’immobilisme et des difficultés actuelles de l’Afrique.

 

Enfin la renaissance Africaine telle que proposée par le président Sarkozy en tant qu’ami de l’Afrique n’épouse pas, selon les auteurs, les réalités Africaines. La renaissance Africaine ne se fera pas avec les projets obscurs comme l’Union pour la méditerranée ou la « démocratie au bazooka » ou encore à racialisant le continent Africain. Cette renaissance se fera par la mise à profit des atouts naturels, démographiques et culturels que possède l’Afrique à travers des actes concrets. La renaissance se fera par la remise en cause du reflexe nativiste qui suppose qu’est Africain tout Homme de race noire or il y’a des Africains de race blanche qui participent à la vie du continent. Enfin, les Africains devront s’appuyer sur leur histoire et les valeurs culturelles de leurs sociétés traditionnelles pour réinventer des manières de vie nouvelles.

 

C’est vrai que le président Sarkozy et une certaine opinion occidentale consommatrice des vestiges de la « bibliothèque des idées reçues » dont l’un des mentors fut Hegel en son temps pensent que l’Afrique n’a pas d’histoire. Mais comme on aimerait le voir à l’avenir, un groupe d’hommes et femmes de science de divers continents ont décidé de rompre avec les réactions subjectives et partisanes des plateaux de télévision et des médias pour offrir à Sarkozy et à l’opinion une réaction scientifique afin de mettre les « points sur les I » au sujet de l’histoire Africaine. Vivement que les principaux destinataires aient pris note et ne prononceront plus de pareilles absurdités !

 

NB:

 

Le titre du billet est le titre de la première partie de l’ouvrage.

 

Le terme « bibliothèque coloniale », nous l’empruntons à Y.V Mudimbe et « Bibliothèque des idées reçues » à Edward Saïd. Ils traduisent tout simplement l’ensemble des savoirs préconçus établis et validés par l’Europe pour définir les noir pendant la période coloniale.

 

Le terme « démocratie au Bazooka » a été employé par Achille Mbembe et Célestin Monga en 2011 dans la rubrique les invités de médiapart sur le site de médiapart en réaction à la crise postélectorale en cote d’ivoire. Une démocratie au Bazooka est une démocratie imposée et donc importée qui n’épouse pas forcément les réalités du continent.



08/01/2013
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