« Prime à l’excellence ou à la médiocrité »
crédit image: genexconsult.com
Cela fait trois années déjà que des étudiants camerounais reçoivent la prime à l’excellence mais ils n’en savent rien de cette prime. En fin d’année, ils attendent juste de voir leur nom sur le grand babillard et dès que c’est fait, « bienvenu au bonheur des vacances » comme l’a dit un camarade. Mais au final, c’est quoi la prime de l’excellence ?
Pour comprendre la prime à l’excellence, il faut revoir le contexte de sa mise sur pieds. Nous sommes donc au sortir de février 2008, dans la mouvance du « printemps arabes » et surtout en préparation des élections présidentielles de 2011 qui approchent et le pouvoir d’étoudi se sent de plus en plus détérioré. Alors il s’attirer une jeunesse qui peut basculer d’un moment à l’autre et lui faire croire qu’on tient véritablement à elle. Résultat : « prime à l’excellence de trois milliards qui sera octroyé aux étudiants les plus méritants des universités camerounaise.» Dans la même mouvance et quelques années plus tard, bienvenues aux 25 000 emplois. On ne sait pas la provenance de cet argent mais il faut s’assurer la clientèle de cette jeunesse furieuse.
Trois ans après le lancement de cette prime, il faut questionner cet acte et se demander qui reçoit, qui ne reçoit pas ? Pourquoi autant de personnes reçoivent ?
Le contexte de la prime à l’excellence montre à merveille aux profanes que ce fut plus un acte politique qu’une volonté de voir la jeunesse se développer. Il fallait calmer ces jeunes qui avaient l’intention d’imiter le printemps arabes et surtout garantir la pérennité au pouvoir pour le prince. Mais à bien y regarder, on se rend compte que les critères de cette prime ne sont pas clairement définis et on est tenté de conclure qu’il s’agit plus d’un argent qu’on remet à certains jeunes camerounais choisis sur des critères obscures. Concernant les chiffres, il est dit que le montant de cette prime est de 3milliards de Francs Cfa et chaque étudiant doit obtenir 50 000fcfa. Un simple calcul mathématique nous dit que 60 000 étudiants reçoivent la prime à l’excellence. Cela signifie par syllogisme qu’il y’a 60 000 étudiants excellents au Cameroun. Incroyable ! Et nous attendons l’émergence pour 2035. Si tel était le cas, c’est que l’émergence serait pour très bientôt. Ce nombre pléthorique d’étudiants nous permet de confirmer l’hypothèse que nous avons émise au départ au sujet du contexte et du prétexte de cette bourse à l’excellence.
A coté de cela, il est presqu’impossible de définir les critères d’obtention de cette prime. Pour certains, il s’agit d’avoir une moyenne générale de passage au niveau suivant de 12 sur 20. Pour d’autres, il faudrait plutôt avoir tout validé à la normale, examens de février et de juillet. Bref, c’est un méli-mélo qui est tissé autour de cette distribution et qui fait qu’on ne la maitrise pas. Ainsi, certains étudiants, les moins méritants reçoivent tandis que les autres, les plus méritants, doivent encore rédiger des requêtes pour recevoir leur part. Le nombre est excédé et je me demande où ils prennent ce surplus d’argent pour les requêtes. En plus du nombre assez important, cet autre indice nous amène plutôt à penser qu’il s’agit d’une prime à la médiocrité qu’à l’excellence. Mais c’est davantage le résultat et ce qui est fait de cette prime qui confirme ce que nous pensons.
Depuis que la prime à « l’excellence » existe, l’aliénation des jeunes étudiants ne cesse de croitre. Elle réduit leur vision et amène ces jeunes à signer des motions de soutien un peu partout oubliant les réalités catastrophiques dans lesquelles ils vivent : « on va faire comment ! ». C’est ainsi que dans certains quartiers des villes du Cameroun, des jeunes après avoir reçu cette prime, ont vite fait d’arborer les pagnes du parti au pouvoir signant de fait des motions de soutien et de remerciement au chef de l’Etat pour les 3 milliards. Faut-il remercier quelqu’un parce qu’il a fait ce qu’il devait faire depuis longtemps et ne l’a pas fait ? Je n’y crois pas. Alors cet état des choses a fait que la jeunesse camerounaise soit devenue une éternelle attentiste et « remercieuse » des actes et habitudes politiques machiavéliques. Je dirai que les jeunes étudiants camerounais ont perdu ainsi tout sens critique et de remise en question de l’ordre établi pour se gaver dans les plaisirs machiavélico-politiques dont le régime en place leur offre moyennant leur avenir. Or l’avancement de la société passe par la capitalisation d’une masse critique importante. Bref la « prime à l’excellence » a rendu la jeunesse plus roublarde et fanfaronne l’emmenant à chanter la chanson qu’on lui impose et à « souhaiter longue vie au président ». Oh ! Quelle aliénation ! On comprend bien que cette prime, en plus de contrecarrer les plans « tapis dans l’ombre », cherchent à freiner l’ascension épistémologique d’une jeunesse qui veut rompre avec les certitudes établies.
D’autres aspects critiques de cette fameuse prime comme l’usage qu’on devrait en faire de cet argent ont déjà été abordés par les médias et d’autres esprits avisés. Je me suis contenté dans ce billet de questionner le contexte de la prime à l’excellence et l’une des conséquences politiques sur les jeunes. Tout ceci m’amène à penser que le terme qui irait avec ces 50 000 FCFA est celui de la prime à la médiocrité. Car cette prime couronne les médiocres et quant bien même elle couronne les excellents, elle les rend médiocres à travers l’émasculation de leur raison et la culture du « fanfaronnage » et du « remerciement » non fondé qu’elle développe en ceux-ci.
C’est clair que pour un pays comme le notre qui cherche à s’écrire et à trouver une place dans ce monde si complexe, il faut redéfinir les critères de l’excellence et cela passe par une redéfinition de cette prime sur les bases de l’excellence et d’un couronnement des plus méritants. Cela permettra à ces derniers de savoir que l’Etat les soutient et surtout de s’outiller technico-intellectuellement pour produire sur tous les plans et dans tous les domaines des savoirs capitaux pour le développement de notre société. En plus, on pourrait, comme l’ont dit certains, réorienter cette prime en dotant les institutions universitaires de bibliothèques et de laboratoires assez compétitifs pour favoriser une recherche efficace. Voila ce que j’appelle une prime de l’excellence et elle devrait remplacer la prime à la médiocrité qui existe depuis trois ans.
Ulrich K. Tadajeu
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