Notre Histoire(Cameroun) se trouve à la poubelle.
Archives départementales de Mbouda. Photo prise au mois de jullet dernier.
L’histoire est une science qui étudie et restitue le passé d’un peuple à partir des sources tant matérielles, orales, écrites, qu’immatérielles susceptibles de renseigner l’Historien. Parmi ces sources d’informations, l’une des plus importantes et des plus fiables si ce n’est la plus importante, ce sont les documents d’Archives. Les Archives sont les lieux où on trouve ces documents d’archives qui sont des preuves et des pièces à conviction dans l’enquête historienne. C’est ainsi qu’on parlera des Archives Nationales du Cameroun, les Archives Départementales des Bamboutos… Les documents d’Archives sont des documents (rapports, journaux, registres…) qui ont été utilisés dans le passé et dont les informations contenues pourraient nous informer sur ce passé. Pour les pays qui ont connu la colonisation comme le Cameroun, les documents d’archives les plus utilisés pour cette période sont les rapports des administrateurs coloniaux et les rapports des réunions. C’est dire qu’il est presqu’impossible de prétendre reconstituer l’Histoire d’un peuple sans ces archives. Mais quel spectacle observe-t-on aujourd’hui dans nos Archives ?
Les visites que nous avons récemment faites dans certaines maisons d’archives nous ont quelque peu irrités à l’idée de savoir la place qu’on accorde à notre histoire.
D’emblée, les gestionnaires des archives n’ont pas de statut. Ils sont pour la plupart des bénévoles. La conséquence de leur statut est justement la non accessibilité de ces archives quand vous avez besoin car chaque gestionnaire ouvre quand il veut et selon l’offre matérielle que vous lui proposerez. Aussi, il est presqu’impossible de les trouver classer selon des quottes. Lorsque vous y entrez, les documents sont éparpillés à même le sol. Par ailleurs, ces maisons d’archives sont dans un mauvais état. Difficile de s’y rendre pour certains car la présence des reptiles, la qualité étroite et impraticable de ces maisons n’encourage pas les visiteurs. La photo que vous observez ci-dessous le montre à merveille. En plus, les toiles d’araignée, les cafards ont élu domicile dans ces salles inaccessibles. Les textes et documents sont illisibles et quand bien même, ils le sont, les documents sont déchirés. L’état matériel des maisons d’archives est, de ce fait, piteux.
Compte tenu de la place importante des archives dans l’écriture de l’Histoire, cette situation empêche les historiens de faire véritablement leur travail. Car l’objectif de l’Histoire est la recherche de la vérité historique. Cette recherche s’appuie sur des preuves qui traduisent ce qui a été fait. Parmi ces preuves, il y’a les archives. Les historiens ne peuvent pas écrire l’Histoire sans preuve, sans pièces à conviction. L’histoire étant une enquête, ces pièces à conviction sont importantes même si elles ne sont pas les seules.
Certains documents administratifs jetés au sol et désordonnés.
L’enjeu est le même que pour toute l’Afrique : il faut relire et réécrire objectivement et scientifiquement le passé afin de corriger certains manquements légués par les Eurocentristes. Il faut dénoncer les faussetés d’une certaine histoire orientée afin de réhabiliter la mémoire. J. Ki-Zerbo va dans la même lancée en proposant une réécriture de l’Histoire de l’Afrique, une reconstruction du vrai scénario afin de créer en les uns et les autres, une conscience authentique car « l’Histoire est faite aussi pour l’homme, pour le peuple, pour éclairer et motiver sa conscience. »
C’est de la mémoire d’un peuple qu’il s’agit. L’histoire étant la mémoire d’un peuple, il est impossible de vivre sans connaitre sa vraie Histoire c’est-à-dire sans mémoire ou avec la mémoire des autres. Si tel est le cas, il s’agit d’un peuple inconscient ou aliéné.
Il est clair que l’absence d’archives ou l’indisponibilité des maisons d’archives a un impact considérable sur la manière dont est écrite l’Histoire d’un peuple et sur la conception que ce peuple a de lui et de sa place dans le monde.
Par ailleurs, la duplicité du discours postcolonial Camerounais se confirme. Les pouvoirs publics appellent les Camerounais à apprendre leur Histoire mais comment le feront-ils s’il est impossible d’écrire cette Histoire par nous-mêmes pour les raisons citées plus haut ?
La situation des archives dans notre pays est critique et l’impact est considérable sur l’écriture de l’Histoire, sur la mémoire collective et donc, sur notre conscience en tant que Camerounais. Il est difficile d’envisager le futur d’un peuple sans prendre appui sur son passé. Comment le faire si les principaux matériaux de l’Historien, ses principales pièces à conviction, ses principales preuves pour parvenir à la vérité sont introuvables, indisponibles et dans un mauvais état ?
Des toiles d'araignée qui arpentent les Archives départementales de Mbouda.
Plus au delà, une fois n’est pas coutume, j’aimerais, à travers ce billet lancer un appel à tous les jeunes que nous sommes, ces jeunes qui avons ce souci de connaitre notre histoire vraie et authentique ; si personne ne veut nous aider à l’apprendre et la connaitre, nous pouvons lancer une plateforme visant à restituer ces maisons de mémoire. Car, à ce niveau, plus le temps passe, plus la situation s’empire. Je pense que l’heure est venue pour nous, jeunes de prendre ce problème à main et de mettre notre bonne volonté pour restaurer ces maisons sacrés pour l’histoire et donc la mémoire collective de notre peuple.
Donc, chers jeunes Camerounais, Africains et même citoyens du monde, vous voulez connaitre votre Histoire authentique, c’est normal et capital, mettons sur pieds cette initiative qui nous permettra de dénoncer la situation des nos archives mais plus encore de les restaurer ensemble.
NB : envoyez vos suggestions à cette adresse email : diplomate137@gmail.com
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