L\'Afrique peut!

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Le Cameroun doit ressusciter ses héros s'il veut devenir une « République exemplaire »

 

Si nos héros nationaux ne sont pas ressuscités, le discours sur l’éducation civique, l’intégrité et l’intégration nationale reste lettre morte.

 

Je me suis toujours demandé pourquoi dans notre pays, on passe le temps à parler de moralité, d’éducation civique, d’intégrité et de lutte contre la corruption en créant un silence complice autour des pionniers de ces valeurs chez nous. Par l’entremise d’une amie présente au colloque de Yaoundé sur l’éducation civique au Cameroun, j’ai appris que l’un des intervenants à l’ouverture de cette rencontre avait prononcé le nom du président de la république plus 150 fois. Or, nous savons que jusqu’ici, malgré les « efforts » de ce président de « laisser l’image de celui qui a apporté la paix et la prospérité au Cameroun », il n’a pas encore posé d’acte que la postérité pourra reconnaitre comme héroïque.

 

Dans le même contexte, plusieurs hommes d’un passé lointain et récent ont posé des actes qui, sous d’autres cieux, leur auraient valu de siéger au panthéon national afin que les valeurs qu’ils avaient soient reconnues publiquement comme républicaines. Mais, où sont-ils ? Aucune stèle, aucun mausolée, aucune rue à leur effigie…Leurs noms ne sont jamais évoqués dans les discours politiques des dirigeants. Bref, un silence entoure leur nom et leur mémoire.

 

Très attentif à ce qui se passe en Afrique du Sud concernant la figure de Mandela, il est évident que la reconnaissance publique du héroïsme et des valeurs de bravoure d’un Homme peut servir d’inspiration pour les autres et leurs donner le courage d’avancer malgré le contexte. Cette reconnaissance peut aussi permettre aux uns et autres de s’efforcer à mettre en pratique des valeurs qui étaient chères à ces héros. Mais, quand on décide de les effacer complètement et de l’autre côté, on prétend revenir à l’intégrité, je me demande bien si on a réellement envie d’en finir avec ces pratiques immorales.

Felix Roland Moumié, un martyr de l'indépendance du Cameroun, assassiné en novembre 1960 à Genève.

 

Combien de jeunes en Afrique du Sud ne posent pas certains actes justes en hommage à Nelson Mandela ? Combien de fois Barack Obama a-t-il cité dans ses discours les héros planétaires et américains ? Du côté de la France, comment les présidents entrent au panthéon ? En Chine, la pensée de Mao est érigée en véritable culte. D’ailleurs personne n’est censée si opposée comme le prévoit la constitution de ce pays. Toutes ces réglementations sociales et légales permettent d’animer l’esprit et de le motiver vers l’atteinte des objectifs nationaux communs. C’est à dessein qu’ils parlent des « valeurs de la République », du « rêve américain » … Toute chose qui permet de savoir qu’on a des objectifs nationaux communs ; d’être fier de ceux qui sont venus avant et qui ont laissé un héritage. Mais davantage d’être jaloux de faire mieux qu’eux afin de laisser à ceux qui viendront un héritage plus intéressant. De file à aiguille, cela a un impact sur le travail, sur le comportement et donc sur l’économie et le développement. 

 

Si nous voulons donc donner une caution pragmatique au discours sur l’intégrité, sur l’éducation civique, nous devons défossiliser nos héros nationaux depuis la période précoloniale jusqu’à nos jours en passant par les héros de la décolonisation. Des lycées, des rues, des amphis, doivent porter des noms de Um Nyobe, de Douala Manga Bell, de Ernest Ouandié…Leurs valeurs, leurs combats doivent être mis en exergue dans les discours politiques. Il est de notre devoir de les faire vivre par ce qu’ils ont eu comme idéal.

Ruben Um Nyobe, un des nombreux martyrs de l'indépendance du Cameroun assassiné au champ de bataille le 13 septembre 1958.

 

A terme, cela donnera aux jeunes de savoir que ce pays n’a pas qu’été peuplé de prébendiers et de mafiosi ayant à cœurs leur enrichissement personnel ainsi que celui de leurs familles. Mais que dans ce pays, on a vu émergé des héros, des personnes intègres avec un respect profond pour la patrie. Des gens qui avaient un souci immense pour « ce » et « ceux » qui allaient venir après. Ces personnes se sont donc attelées à ouvrir l’univers des possibles à ceux qui allaient venir, parfois et très souvent d’ailleurs au prix de leur vie. Ce sera une sorte d’encouragement. Chaque jeune se sentira interpellé comme Louis Marcel, un personnage du recueil des nouvelles Tu diras ces Douleurs, par le combat de ces héros qui sont venus avant nous.

 

Notre nation a donc tout intérêt à ressusciter ces héros si elle veut donner plus de crédit à sa lutte pour l’intégrité, le civisme et l’intégration nationale. Sinon, ce discours restera lettre morte. Notre pays a intérêt à explorer ce « possible » qui se présente.



12/07/2013
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