Dieu n’est ni Blanc, ni Noir, ni Jaune : Dieu est Dieu !
L’Afrique a mal depuis des années, l’Afrique est malade depuis qu’elle est partie. Elle est même male partie a dit quelqu’un. Mais c’est le versant afro pessimiste des choses. Ce n’est pas faux mais c’est péjoratif. L’étude étiologique de l’Afrique a amené les uns et les autres à donner des raisons à ce retard. Parmi ces raisons, certains évoquent de plus en plus la raison d’ordre spirituel et pensent que le mal de l’Afrique vient du fait que, dans ce continent, berceau de l’humanité, les hommes et les femmes croient en un « dieu importé ». Comme d’habitude, ce « dieu » a été imposé à l’Afrique pendant l’esclavage puis la colonisation occidentale. Il était question de dire aux Africains qu’ils sont sauvages, qu’ils sont barbares et qu’ils ont besoin de la civilisation occidentale pour accéder à l’humanité. C’était une stratégie, comme l’atteste la lettre de Jules Renquin aux missionnaires en 1921, pour désintéresser les Africains de leurs richesses et s’en accaparer. C’est indéniable. Cela a eu un impact sur la construction identitaire Africaine dans la mesure où elle a obligé aux Africains de se défaire de leurs propres manières de croire pour adopter avec violence les manières de croire étrangères qui n’en sont même pas parce que ces étrangers ne croient pas fondamentalement à Dieu. C’est la raison pour laquelle ils l’instrumentalisent et le manipulent pour piller certains peuples.
crédit image: cmchr.net. La puissance de Dieu qui n'a pas de couleur.
Aujourd’hui, cet argument spirituel est repris par des Africains pour justifier la situation Africaine. Mais nous pensons que c’est poser très mal le problème. Parce que Dieu n’est pas la propriété de quelqu’un et, si les occidentaux se sont servis de Dieu pour piller ou faire le contraire de ce qu’il dit, c’est à leurs risques et périls. Est-ce pour autant que l’Africain qui veut croire ne croira pas ? Je n’y pense pas. L’Africain doit croire en Dieu même s’il l’exprime de manière culturelle. Le problème de l’Afrique ce n’est pas d’avoir cru en Dieu ou pas car ce que le clergé colonial a défini comme loi de l’Eglise était loin et très loin même de la réalité biblique. Ils étaient chargés d’une mission précise définie par la bourgeoisie coloniale. D’ailleurs Um Nyobe, Felix Roland Moumié ont vu juste et ont ciblé le vrai adversaire en déclarant ceci : « c'est que nous sommes contre les colonialistes et leurs hommes de main, qu'ils soient Blancs, Noirs ou Jaunes, et nous sommes les alliés de tous les partisans du droit des peuples et nations à disposer d'eux-mêmes, sans considération de couleur.» Lumumba ira dans le même sens quand il justifiera l’action malsaine du clergé non pas par la Bible mais leur utilitarisme et leurs intérêts : « Ces anti-nationaux, déjà à la solde des colonialistes, touchent l'argent des colonialistes, et avec cet argent ils écrivent des saletés. Aujourd'hui, des mouvements, soi-disant des mouvements familiaux catholiques, vont jusqu'à attaquer le gouvernement au nom des ligues, des jocistes, des groupements catholiques. » Ils ne sont pas contre Dieu car pour eux Dieu ne cautionne pas l’oppression d’une créature qu’il a créée par une autre encore qu’il a créé tous les hommes à son image et à sa ressemblance. Um Nyobe reprend dans le même texte cette citation extraite de l’ancien testament plus précisément dans le lévitique au chapitre 19, verset 13 : « Tu n'opprimeras point ton prochain et tu ne raviras rien par violence ». Voila qui est dit !
Par ailleurs, l’essentiel ce sont les valeurs que notre relation avec Dieu peut nous procurer. Toute valeur qui pourrait permettre à notre avancement ainsi qu’à celui de la société. Pendant la période coloniale, les écoles missionnaires formaient des « faire valoir » mais aujourd’hui, je ne pense pas que ce soit le cas. La finalité de la formation des établissements confessionnels aujourd’hui n’est plus la même que pendant la période coloniale. De brillants esprits y sortent.
Pour copter une clientèle sur la toile, certains ont fait de la lutte contre Dieu leur pain quotidien et croient ainsi contribuer à l’avancement de l’Afrique. De quelle Afrique parlent-ils ? En plus, certaines personnes ont mal lu la bible ou ce sont limités à l’attitude des mécréants sans scruter celle des autres pour mener Dieu au tribunal de « je ne sais quoi ». Or, le plus important ce sont les valeurs de partage, les valeurs de sociabilité, de compassion, d’Amour… que nous pouvons en tirer et qui doivent nous permettre de participer à l’évolution de nos sociétés.
Au lieu de proposer cette rupture qui est utopiste et impossible, inopportune même, l’heure est à la mixité. Nous devons assumer et mettre à profit l’héritage que nous avons d’une expérience aussi macabre que la colonisation. Le problème de l’Afrique est qu’on lui a imposée certaines choses qui relèvent de la subjectivité. Mais l’atout c’est aussi qu’ils ont en héritage ces diverses cultures qui, en Amérique, sont mises à profit pour produire un espace indéfinissable mais intéressant. Par ailleurs, il serait intéressant de redéfinir et de réinventer notre relation avec Dieu dans un contexte de pauvreté matérielle. En Amérique latine, ils ont compris cela et ils ont proposé la théologie de la libération. En Afrique, l’un des grands penseurs du siècle précédent et par ailleurs théologien Jean Marc Ela a proposé la théologie sur l’arbre qui est une pastorale qui se fait loin des églises et des hauts lieux mais près de la population qui a le plus besoin de cette bonne nouvelle. Laquelle bonne nouvelle doit être orientée vers leur réalité quotidienne. Pour ce faire, au delà de l’inculturation actuelle, les Eglises doivent véritablement s’inculturer à travers les matériaux utilisés, à travers les formes architecturales pour épouser véritablement la réalité des Africains. Aussi les hommes d’Eglise doivent sortir au quotidien des chapelles pour aller à la rencontre des nécessiteux, des hommes pour échanger avec eux au sujet de leur situation en créant des forums d’échange : « le prêtre n’est pas fait seulement pour la sacristie. Il doit aussi être la sentinelle de la justice et du droit dans la cité pour protéger la veuve et l’orphelin… » P. Ludovic Lado. Comme c’est le cas dans certaines paroisses, les prélats peuvent même créer des structures de formation à la vie active, des bibliothèques laïques. Loin de réfuter les réalités propres à l’Eglise depuis des siècles, lesquelles réalités sont liées aux intérêts d’une certaine caste de personne, il faudrait réinventer notre manière de dire notre appartenance à Dieu. Il faut davantage mettre l’accent sur le vécu. Comme le prévoit un exercice spirituel que je connais et qui s’appelle la « lectio divina », lire la bible chaque jour et se demander ce que le message biblique me demande de faire au quotidien dans ma relation avec Dieu et avec les Hommes. C’est d’ailleurs cette parole biblique encrée dans les réalités de l’Homme Africain que défendait Mgr Albert Ndongmo en 1963 dans le quotidien catholique français La Croix : « L’Etats croit que nous devons prêcher un christianisme désincarné, parler du ciel, des anges, sans toucher les réalités vitales de chaque jour. Or l’Evangile du christ n’est pas une théorie, mais une vie. Il s’insère dans toute la vie de l’Homme engagé dans, engagé dans la famille, la politique, la profession et le syndicat. » C’est clair. L’évangile n’est pas la chose des Blancs, ni des jaunes encore moins des rouges mais de tout un chacun. Nous devons nous considérer comme des « ayant droits » de cette évangile.
Voila à mon avis, Dieu. Comme l’avait dit Um Nyobe et comme le répète la bible, Dieu n’a pas de couleur, Dieu est liberté et veut ainsi la liberté de tous ses enfants. Tous ses enfants ont droit à cette évangile.
En vivant les valeurs que nous acquérons au quotidien, l’Afrique peut s’affranchir des vendeurs d’illusion et se mettre résolument en marche.
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