DEIFICATION POLITIQUE EN TERRE CAMEROUNAISE
Ce Billet a été publié en février dernier
crédit image: Africapresse.com
N’allez pas croire que je déteste mon pays. Loin s’en faut. Je suis un observateur et c’est mon devoir d’observer ce qui ne va pas et surtout de le dire et de faire des propositions. Beaucoup de personnes ne partagerons certainement pas mes points de vue. Ce n’est pas tant mon objectif : il est surtout de bouleverser les certitudes intouchables, «d’oser » et d’innover. Peu importe si vous le partagez ou pas. L’essentiel est que je « pense » et je propose ce que je pense bon pour ma société ou si vous le voulez celle qui m’a vu naitre et m’a entretenu jusqu’au jour ou je me mets à écrire ce billet.
Vous le savez, la CAN(coupe d’Afrique des nations) vient de s’achever en Guinée équatoriale et au Gabon tout récemment et les amoureux du football africain ont pu vibrer. Mais l’aspect politique a davantage attiré les cameras lors de cette CAN et on a pu observer très régulièrement des chefs d’état danser, s’amuser, sourire avec les jouer et se marrer. Vous voyez de qui je parle, Ali Bongo Ondimba. Vous imaginez, ce président en train de danser avec Samuel Eto’o dans les vestiaires. Bref pour ceux qui pensaient que les « présidents fondateur » dans nos différents Gondwana étaient des mythes et des sphinx, ils ont été pris de revers et le président Bongo a envoyé une invective à ses collègues qui se prennent pour des sphinx.
Vous devez voir de qui je parle même comme chez nous, plus d’une personne vous dirons que ce n’est pas important. Seulement à notre avis, ça l’est. Nous n’avons pas fait science politique mais quelques rudiments et surtout l’observation de la scène politique. Nous avons appris que l’absence ou la distance entre un président ou la classe politique et son peuple est préjudiciable pour la socialisation politique de ce dernier. Alors on rentre dans les sociétés comme les nôtres ou tout le monde a dit « ha » à la politique et ce sont des « hommes d’affaires qui sont députés de surcroît » comme l’a dit quelqu’un. Voyez-vous, un président que le peuple voit sur audience et quand bien même il le voit, c’est dans une limousine fumée dont on ne sait pas si c’est lui qui est à l’intérieur. Je dirais un président dont on se fait une idée sans pouvoir croire que c’est une réalité. Ce président qui, très souvent, dit qu’il a de l’estime pour sa jeunesse mais lui prononce des discours depuis Genève. Vous l’aurez compris, certains présidents en Afrique continuent de mythifier et de déifier le pouvoir coupant ainsi le cordon entre eux et le peuple. D’ailleurs ils n’hésitent pas, sur conseil de leurs conseillers forcement, à s’autoproclamer « choix du peuple » mais sur leurs affiches de campagne, ils sont seuls, on dirait que le peuple n’existe pas. Qu’est ce que je dis ? Puisque lorsqu’il sort de chez lui pour se rendre à son second domicile, vous n’avez pas le droit d’approcher à une certaine distance le fameux boulevard qu’on appelle le « boulevard du 20 mai ». Pourquoi l’appelle-t-on ainsi ? On vous dira au Cameroun que vous vous questionnez beaucoup et par conséquent vous êtes un esprit subversif et savez-vous ce qui vous arrive quand vous êtes subversif ? On vous étiquette « apôtre de la déstabilisation ». De toutes les façons, c’est le président et pourquoi pas le président fondateur, alors vous ne devez pas vous questionner et c’est lui en tout cas qui a raison. Que tu le vois ou pas, te dira-t-on, il sert la république partout où il se trouve. Que ce soit sans vous ou avec vous, il sert la République. Espérons seulement qu’il le fait sans se servir de cette République.
Mais qui a dit que les sociétés actuelles ne se comportent pas comme le Royaume de Dieu. Alors si vous pensiez ainsi, alors vous vous trompez. Quand un de ses gendarmes l’implore lors d’un meeting, on dirait le dieu. Ne lui a-t-elle pas demandé d’avoir pitié de son peuple en se présentant à la présidentielle de 2011. Vous voyez de qui je parle. D’ailleurs, elle n’hésite pas à l’appeler le petit frère de Jésus. Et ce n’est pas tout. Des qualificatifs font surface, le renvoyant à un dieu comme « grand patriarche des ordres ancestraux ». de toutes les façons, nous avons un dieu qui est entouré de plusieurs saints qui sont ses relais au sein de la population.
Seulement comme nous le disions, notre émergence ne passera pas uniquement par le developpement économique, mais aussi par l’insertion socio-politique et économique de la jeunesse. Alors comment cela sera possible si pendant qu’on nous demande d’être responsable, d’oser et d’innover, en même temps, on ne met pas en pratique l’un des facteurs de socialisation politique les plus importants à savoir le rapprochement des politiques du peuple. Cela peut être un facteur de légitimation du pouvoir acquis dans des conditions qu’eux mêmes savent. Alors ce que je veux dire ici est justement que si le pouvoir veut une population dynamique et politiquement responsable, ils doivent oser dans ce sens et se rapprocher de ceux qu’ils représentent en commençant par celui qui est au dessus de la pyramide grâce au peuple. Voyez vous, quand un militaire tombe sur un champ de bataille comme cela a été le cas à Bakassi, la présence du Chef est d’un réconfort à nul autre pareil. Cette présence montre que la politique n’est pas une fiction. Ainsi le « citoyen lambda » peut aussi voir ou toucher le président. Lorsqu’une population voit ses représentants, ne voit pas son président dans des vitres fumées, alors, elle se sent proche de la chose politique et on n’assiste pas à une diabolisation de la politique et du politique comme c’est le cas en terre camerounaise. Cette diabolisation a un impact parce qu’elle bloque, empêche et rend les jeunes réticents vis- à-vis de la chose politique. Ce qui n’est pas prometteur pour un Cameroun qui se projette émergent dans les années à venir. Qui décidera ? comment apprendront-ils à décider ? Comment se fera la relève s’il n’y a pas eu de transfert de responsabilités ? Et le rapprochement des leaders de leurs gouvernés favorise ce transfert de responsabilités.
Alors le chef de notre République nous a invité à oser et à innover et c’est cela qui m’amène à leur faire ces propositions et surtout à questionner les tares de la société actuelle. Car j’ai une conviction, c’est que, même si les uns et les autres ne partagent pas mes convictions, ce sera capital pour débuter cette entreprise cruciale pour notre continent et mon pays. Cette mission à laquelle nous invitait un grand veilleur de notre temps Jean Marc Ela. Je suis sur que cette entreprise nous concerne tous et il est question de défaire et de déconstruire ces mythes coloniaux de la déification du politique. Car à leur temps, les colons avaient un objectif : éloigner les nègres de la politique pour les empêcher de revendiquer leurs droits. Ce qui n’est pas le cas pour nos leaders actuels. Lesquels leaders disent que les « jeunes sont les artisans de la République exemplaire », gage d’un Cameroun émergent en 2035 et pourquoi pas avant.
ULRICH K. TADAJEU
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