Paix ou justice sociale en terre camerounaise…
Dans mon pays, le Cameroun, il y’a un terme qui aurait pu remporter le buzz ces derniers moments, un terme qui embête plus d’un et réjouit d’autres. Ce terme l’est « la paix ». j’en ai entendu plus de 4000 fois depuis le début de cette année. Ce concept ne m’a pas laissé indifférent et a suscité un questionnement : c’est quoi la paix ? Pourquoi la paix ? De la paix et la justice que doit-on privilégier ?
Quand vous arrivé au Cameroun, les rassemblements sont très souvent proscrits et l’évènement de l’hôpital de Ngousso tout récemment le prouve. Si vous demandez pourquoi, on vous répondra : « il ne faut pas mettre à mal la paix.» Ces derniers temps avec la présidentielle qui a eu lieu, le discours politique, surtout lorsqu’il était tourné vers la jeunesse allait dans ce sens : « les jeunes de tel village sont pour la paix… » « les jeunes de tel autre village disent non à la violence et la déstabilisation ». on est même allé jusqu’à dire que les jeunes du Cameroun n’imiteront pas ceux du Maghreb. Mais toutes ces considérations posent le problème de cette paix. Autrement dit la paix est-elle seulement l’absence de violence ?
Quand je reprends mon dictionnaire, il m’apprend que la paix est un Etat de concorde, de tranquillité entre des gens et entre différents groupes d’une société donnée. Cela veut dire que la présence d’un conflit civil, armé dans un état est le signe qu’il n’y a pas de paix. Mais devons-nous uniquement nous limiter à cela pour dire qu’un Etat est en paix ? La mauvaise distribution des ressources nationales est-elle apte à garantir la concorde entre les différentes forces sociales ? la discrimination, le népotisme, l’impunité, la corruption, le clientélisme et le neopatrimonialisme sont-ils le signe d’une tranquillité sociale ? Un parent qui n’arrive pas à loger ses enfants ou à les envoyer à l’école est-il en paix ? bien évidement que non. Encore que les bouleversements sociaux que l’histoire a connus ont été causés en partie par ces problèmes qui, au départ, n’étaient pas violents mais, se sont transformés en violents mouvements.
La paix dont on chante dans mon pays serait de ce fait l’arbre qui cache la foret. Ce serait une infantilisation du peuple. Ceci d’autant plus que le Cameroun n’a pas connu de guerre depuis l’assassinat le 15 janvier 1971 de Ernest Ouandié. On se demanderait, « de quoi ont-ils peur ? » mais bon, « on organise pas des élections pour les perdre » disait un leader.
Seulement nous pensons que ce terme est abusif dans notre société et que la paix n’a pas droit de cité. Pourquoi ne pas chanter : « il faut préserver la justice sociale ». En effet, la justice exige le respect du droit et de la morale. La justice sociale exige des conditions de vie équitables pour chacun. Ceci veut dire qu’une société juste est une société à l’intérieur de laquelle on ne trouve pas de frustrés, ni de discrimination. Une société à l’intérieur de laquelle les corrompus sont punis et les rapports entre les différentes forces sociales sont équitables. C’est une société équitable, probablement gage de la « République exemplaire » qui est le mot à la mode au début de cette année. C’est dire que la justice sociale est la condition sine qua non de la paix qui n’est qu’un état résultant de l’autre. Un état qui s’entretient à travers cette justice sociale. L’histoire confirme d’ailleurs cette idée. Que ce soient la Révolution française, les différentes Révolutions communistes ou encore la lutte pour la libération coloniale que certains ont appelée la révolution coloniale. Elles ont démontré la volonté des hommes d’aspirer à ce que Gracchus Babeuf appelait la « République égalitaire ». Puisqu’ils ne l’avaient pas, ils se sont battus pour l’obtenir et ceci à travers la guerre. A travers la descente dans les rues, la destruction des places symboliques et importantes. C’est dire qu’au lieu de passer le temps à chanter « paix » ici, « paix » la bas, la classe dirigeante camerounaise gagnerait à mettre davantage l’accent sur la justice sociale et sur les rapports entre les différentes forces sociales. N’est ce pas son rôle ? Auquel cas, on perdra le temps à camoufler la réalité et le jour où mes chers compatriotes seront saturés de paix, ils chercheront la paix, la vraie paix, celle qui est la résultante de la justice.
Un tel scenario n’est pas notre souhait. C’est la raison de la rédaction de ces quelques mots. Il est fait pour tirer la sonnette d’alarme sur ces concepts, pour mettre nos leaders face à leurs responsabilités afin qu’ils privilégient davantage la justice sociale pour un Cameroun émergent bien avant 2035. Qu’ils laissent la paix de son coté, qu’ils s’engagent dans une lutte à bras le corps contre l’injustice, qu’ils se battent pour que les rapports entre les différentes forces sociales soient davantage équitables, qu’ils veillent à une réelle redistribution et répartition de la richesse nationale, qu’ils fassent davantage pour les corrompus et les clientélistes. Non seulement on aura une République égalitaire, mais cette république égalitaire sera la voie vers une République exemplaire puisque tout le monde en parle pour un Cameroun émergent.
Ulrich K. Tadajeu
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