La femme n’est ni inférieure, ni supérieure à l’homme, elle est juste femme.
« Les femmes sont les prolétaires de l'homme. » Karl Marx cité par Memmi en début de son ouvrage : le portrait de l’Homme dominé[1]. Cette phrase d’Albert Memmi illustre la considération de la femme dans nos sociétés malgré des progrès considérables. Une place inférieure qui lui est attribuée semblable à la place du prolétaire dans la société européenne des 19-20ème siècles. En effet, le prolétaire, à cette époque était un Homme aux droits restreints mais aux devoirs élevés ; marginalisé quand il s’agit de prendre des décisions mais sollicité s’il faut effectuer du travail.
Au rang des raisons de cette infériorisation de la femme dans l’arène politique postcoloniale en Afrique noire, il y’a ce que Achille Mbembe appelle la fonction phallique qui s’exprime en politique par une domination masculine. Cette domination est due à la représentation psychique du pouvoir qui serait essentiellement un acte de domination et de jouissance d’un Homme sur les autres. Cela explique aussi la réticence à l’endroit de l’homosexualité. Car, étant le « sexe fort », l’Homme n’entend pas faire entrer son pénis dans un lieu autre que le vagin. Pour manifester sa puissance, il doit exclusivement faire entrer sa verge dans un vagin. Selon lui, cette considération doit être prise en compte si on veut comprendre la vie psychique du pouvoir et les mécanismes de subordination en postcolonie. Cela permettra par ailleurs de comprendre le refoulement de l’homosexualité. Bref pour Achille Mbembe, il faut comprendre le pouvoir en Afrique par ces « éléments symboliques qui accordent une place éminente à la verge dans les processus de symbolisation de vie, du pouvoir et du plaisir. En accordant tant de poids au travail du phallus, ils négligent les pratiques homosexuelles féminines de plus en plus répandues. »[2]
Pour résoudre une telle situation (infériorité des femmes dans l’imaginaire politique Camerounais), certains intellectuels proposent d’aller au delà des mesures « surcompensatoires » pour arriver à une reconnaissance de l’altérité des femmes. Ils proposent de changer le regard sur les femmes : non pas comme des êtres inférieurs encore moins des êtres supérieurs mais comme des êtres uniques. Cette solution rejoint la solution proposée par les théoriciens des études postcoloniales au sujet des relations entre les différentes civilisations dans une société. Dans la préface à l’édition Française de l’orientalisme[3], Tzvetan Todorov dit, au sujet du Discours sur l’oriental produit et validé par l’occident, « …Ce qu’on lui (Oriental) a refusé avant tout, c’est d’être différent : ni inférieur, ni (même) supérieur, mais autre, justement.» Pour Todorov, la solution de ce problème de préjugé et d’infériorisation de l’autre (l’oriental hier, la femme Camerounaise en politique aujourd’hui) serait la reconnaissance de l’autre comme un homme spécifique ayant ses qualités et ses défauts comme tout autre Homme.
La question du genre rentre donc dans une problématique des études postcoloniales. Au delà des luttes sexuelles et leur impact dans la vie psychique et la subordination politique dans les postcolonies, il propose un imaginaire de vie. Cet imaginaire de vie aurait pour élément central la reconnaissance de l’autre, ici c’est la femme, comme être différent ayant sa subjectivité et respecté pour cela.
[1] Albert Memmi, Le portrait de l’homme dominé : le noir, le colonisé, le prolétaire, le juif, la femme, le domestique, le racisme, Paris, Gallimard, 1968. Epigraphe.
[2] Achille Mbembe, Sortir de la Grande Nuit : Essai sur l’Afrique décolonisée, Paris, La découverte, 2010. P216
[3] Edward Said, L’Orientalisme. L’orient crée par l’Occident, paris, Seuil, 2003. P8
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