DESTRUCTION ET AUTODESTRUCTION DE LA JEUNESSE EN TERRE CAMEROUNAISE
Beaucoup de gens me demanderont : qui tue les jeunes ? Les jeunes sont tués par qui ? Comment les jeunes se meurent ? Dans la démarche qui est mienne, je vais vous décrypter quelques usages de la jeunesse Africaine avant de vous dire mon opinion pour que les choses s’améliorent progressivement car c’est possible si les jeunes s’y mettent.
Dans les usages de la société camerounaise, il y’a des choses qui me marquent :les modèles qu’on se fait et ceux que les medias nous proposent, des phénomènes importants mais qui prennent de plus en plus de l’ampleur sans qu’on ne perçoive les résultats. Enfin les pratiques jeunes comme tabac, drogue, sexe, bavardage, perte de temps… mais avant d’arriver, permettez moi de définir ce qu’est un modèle. C’est une personne qui nous sert d’exemple et de boussole et qu’on suit et à qui on aimerait ressembler. Donc si nous ne nous faisons pas de bons modèles ou si la société ne nous propose pas de bons modèles, c’est clair que nous aurons ce qu’on a actuellement.
Dans des états plus sérieux, il existe des panthéons pour proposer à la jeunesse des exemples à suivre, propres à son environnement et à son identité et qu’elle a le devoir de suivre pour participer comme eux à l’œuvre républicaine. Mais chez nous, au lieu de le faire, on assassine de nouveau nos modèles et nos héros et beaucoup de jeunes camerounais entendent parler des leaders comme Um Nyobe sans savoir qui il était, quand est-ce qu’il est mort ? Bref, après sa mort biologique, il est de nouveau assassiné mais par ses descendants, ceux pour qui, il s’est battu. Ils sont plus proches de Justin Bieber et autre star à l’autre extrémité que de ses Héros. Ce fut le cas pour les leaders nationalistes qui ne sont pas véritablement des modèles pour la jeunesse pas parce qu’elle ne veut pas mais parce qu’elle est victime d’un système où elle ne rentre pas en possession de ces gens qui ont forgé son identité. Ainsi cette première phase de nos modèles a été bafouée tout comme la seconde.
En plus, les modèles scientifiques, ceux la qui sont des veilleurs et qui marquent l’Afrique par leur intellectualisme. En effet, suite au parti unique et à la pensée unique ou l’émasculation de la pensée, beaucoup de nos ainés ont été contraints à prendre la route de l’exil et a se retrouver hors de leur terre natale. On peut citer deux grands penseurs africains de la fin du XXeme et du début du XXIème à savoir Jean Marc Ela décédé au Canada après un long exil et aussi Achille Mbembe qui est actuellement en Afrique du sud. Bref à travers ces deux périodes, le Cameroun a dit au revoir à ces modèles, non seulement à travers un assassinat de ceux qui ont forgé cette nation sans leur reconnaitre une place au panthéon ensuite à travers une émasculation de la pensée. Ainsi, ce sont de nouveaux modèles que le paysage politique, les medias ont imposé à cette jeunesse.
Les modèles que la société, à travers le paysage politique et surtout les medias et même certaines sociétés à forte notoriété, a imposé à cette jeunesse. Ainsi après avoir bafoué ce que Alain Didier Olinga appelle l’autorité de connaissance, le paysage politique a imposé des modèles qui, de part le pouvoir numéraire et économique, s’imposent comme des . Cela dit, avec le pouvoir de l’argent dans nos sociétés de plus en plus matérialistes, celui qui a le commandement et donc le pouvoir, synonyme de richesse, devient ainsi un modèle pour la jeunesse parce qu’il chante la chanson, signe les motions de soutien et a des « prados ». Bref voila les modèles que le paysage politique impose à la jeunesse. Ces personnes qui font la déférence sans toutefois questionner les enjeux actuels. Ces modèles d’un nouveau genre n’ont qu’à chanter la chanson à la mode et puis ils sont consacrés par les medias. Ils n’ont qu’a détourner de l’argent ou à apporter de l’argent au village et tout le monde veut faire et devenir comme lui. Ces gens qui ne conteste et ne remettent rien en question et qui disent « oui » même quand il faut dire « non ». Mais c’est en ignorant que ce modèle d’un nouveau genre rend la jeunesse paresseuse et l’empêche de travailler véritablement, d’avoir le sens de l’initiative et de bousculer les certitudes établies. Ce n’est malheureusement pas tout. Car en plus de ces modèles politiques, il y’a des modèles que les medias et les grandes sociétés nous proposent et nous imposent quelques fois.
Pour embrayer sur cet aspect, permettez moi de revenir sur un évènement qui m’a marqué dernièrement à Yaoundé. En effet, marchant dans les artères de la cité capitale Yaoundé, je vis passer devant moi une voiture d’une grande société dont je tairai le nom. La musique fut assez élevée et je vis tout à coup deux filles secouer leurs « fesses « et se promenant dans la ville. Cela m’a écœuré de savoir quels modèles, sommes-nous en train de donner à nos cadets. Ceci est d’autant plus vrai que le jeune qui vit cette scène la calque directement et veut répéter le lendemain parce que les gens marchent et se promenez en ville ainsi donc c’est bien. Vous l’avez compris. C’est ce style de modèles qu’on propose et impose à la jeunesse camerounaise, ces gens qui s’exhibent, ces gens qui disent être à la mode et qui se présentes sur les plateaux de télévision quasiment nus. Ces jeunes étudiantes qui s’habillent sans s’habiller. On dira peut-être que c’est le libéralisme mais, il faudra montrer à la jeunesse de bons exemples à suivre pour pouvoir construire son identité et prendre réellement conscience des enjeux qui s’imposent. Car dans cette logique, ce sera la décadence. La conséquence est qu’elle produit une jeunesse de plus en plus matérialiste amoureuse de l’argent et de la facilité qui n’hésite pas à vendre son âme au diable pour satisfaire ces passions. Elle rend la jeunesse paresseuse encore qu’après avoir regarder une « télé novela » à la télé, elle rêve qu’au petit matin, lorsqu’elle se lèvera, elle sera comme l’acteur de cette « tele novela ». Ce sont donc ces gens qui peuvent produire uniquement des biens matériels qui sont les modèles de la société par le pouvoir de l’argent et donc d’un certain commandement qu’ils ont. Ne soyez pas surpris de voir des jeunes vous dire : « j’aimerai être comme Carlos, Fernando, Ernesto… »
C’est clair que ces modèles, ce style de vie pompé chez nous par l’occident ont une conséquence sur la jeunesse : c’est le suivisme, le snobisme et le mimétisme. Une jeunesse qui, plus que jamais adore l’argent, adore le tabac, l’alcool et le sexe. Bref adore tout ce qu’elle voit chez ces nouveaux héros bien que, quelque fois, ce soit la fiction . De ce fait, le sens de l’initiative a foutu le camp, l’argent pour la pension se tourne vers autre chose et surtout il n’y a plus d’argent pour se cultiver et s’armer intellectuellement parce que, te diront-ils « le livre la coute 2000, ça me fait 4 girafes(bières) ». vous voyez jusqu’où ces modèles proposés et imposés nous conduisent. Mais ce n’est pas tout.
En plus de ces modèles, il faut dire que la jeunesse camerounaise devient de plus en plus une jeunesse de passant et de bavardeur, une jeunesse assez distraite. Depuis quelques années, cette jeunesse a connu le sport et c’est la flambée du sport. Nous ne disons pas que le sport n’est pas bien , bien au contraire. Mais à l’allure où les choses avancent, cette activité produira plus de larme que de sourire. Aujourd’hui tout le monde veut devenir riche comme Samuel Eto’o et donc, il veut passer par le football, chaque jour il est au stade pour s’entrainer, le dimanche, il est au stade pour courir mais en ignorant que tout le monde ne sera pas Samuel Eto’o et que même si c’est le cas, nous brillons sur la scène sportive depuis pas mal mais on a organisé la dernière CAN, il y’a des décennies plus exactement en 1972 ; c’est dire que ce subterfuge de distraction de la jeunesse l’empêche de se concentrer et de questionner véritablement les défis qui s’imposent la tournant vers une nécessité mais qui quand elle est de trop devient une futilité.
C’est aussi le cas depuis quelque temps avec la danse. Il arrive des moments où je me dis que tous les camerounais sont devenus des danseurs ou deviendront des danseurs. C’est vrai c’est un moment de détente mais l’excès, comme c’est le cas actuellement, est un problème et un mal. Tout le monde ne doit pas danser, si tel est le cas, qui pensera, qui scrutera le futur ? Mercredi et samedi voire même d’autres jours, ces jeunes amis sont en train de danser sans savoir que l’heure est à la pensée et à la théorisation d’actions promptes à nous faire avancer, à nous faire inventer d’autres rythmes de danse pour les enfants de nos enfants. Bref, ils passent ces jeunes. C’est une communauté de passants pour reprendre les termes de Mbembe Achille.
Enfin, c’est la perte de temps et le bavardage. Je vais reprendre ce témoignage de Stéphanie Mbida qui disait sur un plateau de télévision : « quand je sors de chez moi le matin, je vois des gens en train de bavarder . Quand je rentre le soir, elles sont toujours en train de bavarder. Et puis on dira que je suis surdouée. Alors que pendant cette même période, le jeune chinois a déjà inventé quelque chose.» Vous l’aurez compris, les commentaires sur des futilités, sur les milliards de Eto’o ou les Buts de Messi ou encore sur une personne qu’on déteste pour un quelconque motif. Bref ces commentaires sans portée qui ne permettent pas d’avancer. Or ce temps que la jeunesse perd est utilisé ailleurs pour réaliser des prouesses technologiques et autres. La jeunesse camerounaise perd du temps à l’heure où le temps c’est de l’argent. Elle bavarde et fait des commentaires qui sont sans intérêts. Elle se consacre à la facilité à travers les jeux de hasard. Elle marche doucement et innocemment. Bref elle se meurt après avoir été tuée. Mais croyez moi, la critique négative n’est pas de mon ressort.
Permettez moi, avant d’arriver à des propositions, de revenir sur les conséquences générales c’est que la jeunesse n’a plus de repère, perd le temps sur des futilités et ne peut théoriser et mettre en pratique de véritables solutions pour le developpement. Elle ne pense pas autrement parce qu’elle a peur d’être ostracisée puisqu’elle n’a pas chanté la chanson à la mode.
Alors il faut restaurer nos véritables modèles, les faire connaitre et ériger en leur faveur un panthéon pour que, de leur expérience, nous soyons davantage motivés à laisser un héritage aux enfants de nos enfants. Mais il faut davantage restaurer l’autorité de la connaissance comme le montre si bien Alain Didier Olinga pour que nous sortions de cette « logique consensuelle» et « unanimitaire». Laquelle logique nous empêche de prendre les initiatives et nous impose le griotisme. L’autorité de la connaissance ne devrait pas être sous la domination de l’autorité de commandement car « une société dans laquelle l’autorité de la connaissance, y compris la très grande connaissance, est piétinée et regardée de haut par l’autorité de commandement, y compris le plus petit et le plus frustre commandement, n’a pas d’avenir.» C’est dire que nos modèles doivent désormais nous être restaurer puisqu’on a parlé de patriotisme et ces modèles servirons à bâtir notre identité et avoir des points d’appui. La société doit, de ce fait, cesser de nous donner pour modèles des gens qui par le pouvoir de l’argent commande, qui par le pouvoir de l’autorité commande et qui par le pouvoir du sport commande.
Qu’avons nous fait de Jean Marc Ela, Achille Mbembe, E.Mveng ? Ou encore de ces leaders nationalistes qui se sont battus pour restaurer notre Identité niée par des années de domination coloniale? Bref de tous ces veilleurs de notre temps qui se battent pour restaurer et guetter l’aube pour nous permettre d’avancer. Ils ont tous connu soit l’exil, soit la mort parce qu’il n’était pas en sécurité et parce que, justement, l’autorité de commandement a primé or « c’est la connaissance qui est le socle du Progrès… » Renchérit Alain Didier Olinga.
C’est dire en définitive que notre developpement, notre identité et donc notre patriotisme auquel les autorités nous interpelle ne sera véritable que lorsqu’on aura redéfini les modèles sociaux partant de nos réalités propres, on aura évacué ces nombreuses distractions qui font de nous des éternels passants et aventuriers, lorsqu’on aura enfin restaurer une autorité de la connaissance qui permet à la jeunesse de se faire des modèles pour construire son identité et s’appui sur un socle de roc pour bâtir le futur. L’heure est à la réflexion, il faut élaborer, entreprendre, solutionner, projeter, théoriser, bâtir. l’autorité de commandement, de l’argent et de la doxa et non pas l’autorité de la connaissance ne nous le permet pas. Alors chers jeunes, prenons le destin de cette nation en main et surtout déployons nous, cessons les pratiques qui n’avancent pas notre nation et soucions nous de ce que nous laisserons aux enfants de nos enfants. Alors la République Exemplaire tant souhaitée sera une réalité non pas pour notre Bénéfice mais pour celui des futures générations.
TADAJEU KENFACK ULRICH
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