Le mali avait-il besoin de ce coup d’Etat?
S’il était question de record ou de titre, le Mali remporterait le titre de premier pays africain à avoir connu un coup d’état en ce début d’année 2012. Seulement, ce que certains appellent déjà la conséquence des soulèvements en Lybie, nous invitent à nous demander si ce pays avait véritablement besoin d’un Coup d’Etat.
Le coup d’état est une voie d’accession au pouvoir hors des canons prévus par la constitution. Mais le coup d’Etat n’est pas la Révolution parce que le coup d’Etat est bref et est mené par une partie de la population, très souvent l’armée.
Le mali qui est, depuis quelques années, un modèle démocratique en Afrique, a connu des coups d’état le long de son histoire. Ces coup d’état menés par des militaires n’avaient pas les mêmes objectifs. Certains, comme Moussa Traoré, le firent pour, disaient-ils, restaurer une certaine intégrité étatique suite aux problèmes que connurent le Mali après son Indépendance. En effet sous le régime de Modibo Keita, en plus du problème touareg qui sévissait , il y’eut des problèmes économiques assez sérieux. C’est ainsi qu’après son retour de France en 1964, avec un grade de lieutenant, Moussa Traoré fut porté au pouvoir par le Comité Militaire de Libération Nationale (CNLM) après le coup d’Etat mené contre Modibo Keita.
La gestion du pouvoir de ce leader ne sera pas ce qu’il promit à son peuple et le pays bascula dans un régime de parti unique à travers l’institutionnalisation par la constitution de ce système en 1974. Elle est matérialisée quelques années plus tard par la création du parti unique. C’est exactement en 1979 que l’Union Démocratique du Peuple Malien (UDPM) sort des fonds baptismaux. Mais la décennie 1980, sera une période de grande misère pour l’Afrique et le Mali. En plus des crises internes, les pays africains ont du faire face à divers problèmes économiques liés aux cours du marché international.
Des manifestations et des revendications ont eu lieu suite à ces problèmes et le lieutenant colonel Ahmadou Toumani Touré fit incursion sur la scène politique et le 26 mars 1991, il fomente un coup d’Etat et prend la tête du comité de transition pour le salut du peuple. Il s’agit du second coup d’Etat en terre malienne. Les raisons de ce second sont liées à la gestion autoritaire du pouvoir par Moussa Traoré. L’objectif de Ahmadou Toumani Touré est, disait-il, de restaurer la Démocratie. C’est pour cela qu’il a été surnommé le « soldat de la Démocratie ».
Après le coup d’Etat, il organise des élections présidentielles pour remettre le pouvoir aux civils. C’est ainsi qu’en avril 1992, l’enseignant d’Histoire et d’Archéologie Alpha Oumar Konaré devient le premier président démocratiquement élu du mali. Mais sa magistrature ne sera pas aussi aisée compte tenu des problèmes à la fois économiques et politiques que connait le Mali. En 2002, à la fin de son second mandat, c’est un bilan contrasté que présente Alpha Oumar Konaré. Comme le prévoit la constitution, il ne se présente pas aux élections de 2002. Le « soldat de la Démocratie » d’hier retire sa casquette de militaire et se présente aux élections de 2002. Ahmadou Toumani Touré remporte ces élections de justesse avec 60% au second tour après avoir obtenu 28% au premier tour. C’est ainsi que le second président démocratiquement élu du Mali accédé au pouvoir. Il faut rappeler que ce président a plusieurs défis à relever. La plupart est issue de l’héritage contrasté de son prédécesseur et ancien enseignant à l’ENS. Après un premier mandat, ATT comme on le surnomme est réélu en 2007 pour un second mandat qui était supposé s’achever cette année et les élections allaient se tenir le 29 avril prochain. Le président ATT avait d’ailleurs prévu de ne pas se présenter à ces élections, ce qui est original en Afrique. Ceci était prévu avant que pointe à l’horizon le coup d’Etat qui a eu lieu jeudi dernier. Le Mali avait-il besoin de ce coup d’Etat pour faire face à la rébellion Touareg ?
Avant d’y arriver, il est important de relayer cette déclaration du porte parole du Le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE), le lieutenant Ahmadou Konaré : « l’incapacité notoire du régime à gérer la crise qui sévit dans le nord du pays, l’inaction du gouvernement à doter de moyens adéquats les forces armées et de sécurité pour accomplir leurs missions de défense de l’intégrité du territoire national. Face à son devoir de sauvegarde de la constitution, la force républicaine de l’Etat et les acquis démocratiques, le CNRDR se réclamant des forces armées de défense et de sécurité du Mali dans l’ensemble de leurs composantes, a décidé de prendre ses responsabilités en mettant fin au régime incompétent et désavoué de Monsieur Amadou Toumani Touré » il s’agit des raisons évoquées par ces militaires pour fomenter le coup d’Etat. Ces raisons sont l’incapacité du président ATT à gérer la crise qui sévissait dans le nord du pays. On pourrait se demander : que se passe-t-il au nord du Mali ? Comme nous l’avons dit plus haut, le nord du mali est en proie à des graves tensions opposant les Touaregs et les Maliens. Ce problème date de bien longtemps mais avec les soulèvements en Lybie, il y’a eu une extension de la crise et, rassemblés autour du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), ces rebelles Touaregs réclament depuis peu leur sécession de l’Etat malien. C’est ce contexte qui fait dire aux militaires que le pouvoir malien n’a pas pu géré la crise dans le nord et qu’il faut un nouvel ordre pour faire face à la crise. On peut donc constater que ce coup d’Etat est une des conséquences lointaines des mouvements qui ont secoué le nord de l’Afrique. Mais c’est encore une faiblesse de l’Etat malien qui est critiquée.
Apres cette brèche, nous allons revenir à notre question pour dire qu’à notre avis, le Mali n’avait pas besoin de ce coup d’Etat. Parce que ce pays, considéré par plusieurs analystes comme un modèle démocratique en Afrique, allait connaitre sous peu des élections présidentielles et un changement de dirigeants. Car le président ATT avait dit qu’il ne se présenterait plus. C’est donc un changement qui est fait alors que les maliens se préparaient à aller aux urnes le 29 avril prochain. Pourquoi ces leaders militaires n’ont-ils pas attendu après ces élections ? Parce que le président sortant était déjà sur la voie de la sortie et, nous craignons, que ce troisième coup d’Etat n’occasionne que de mal et de la misère pour le peuple Malien. Nous osons espérer que Amadou Sanogo, dirigeant de la junte militaire qui a prévu de restaurer le pouvoir aux civils, sera à son tour le « soldat de l’unité nationale ».
Qu’il nous soit permis de finir par des observations, afin de tirer une sonnette d’alarme sur les leçons de cette crise au Mali : premièrement, pour ceux qui étudiaient déjà les soulèvements en Afrique du nord ils comprendront que ces soulèvements n’ont pas encore donné leur verdict final. Ensuite les conséquences de la colonisation et des mauvaises décolonisations sont encore présentes, notamment à travers l’éparpillement des peuples sur plusieurs Etats et surtout la non dénonciation des frontières héritées de la colonisation. Ce sont cet éparpillement et cette non dénonciation qui expliquent en partie le problème touareg. C’est ce problème Touareg qui mine depuis des lustres l’Etat Malien et a juste été impulsé par les soulèvements en Afrique du Nord.
Tadajeu Kenfack Ulrich
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